Né à partir d’un besoin
Train World est, selon le Guide Vert Michelin, un must see à Bruxelles. Cela s’explique entre autres par la scénographie unique - une black box mettant en valeur la collection de la SNCB d’une manière surprenante à l’aide de paysages sonores et d’effets de lumière notamment. Cette scénographie remarquable peut, dans certains cas, constituer une barrière pour des personnes en situation de handicap physique ou mental. Depuis sa création, le musée propose un parcours accessible aux personnes à mobilité réduite, mais certains obstacles demeurent pour d’autres types de handicaps.
À côté de cela, la façon de transmettre les contenus muséaux est également primordiale et souvent vectrice d’exclusion. En effet, un guide utilise souvent des références (historiques ou autres) comme par exemple : "le 19e siècle", que tout le monde ne connaît pas. Même si un guide permet l'imagination, implique son groupe de manière interactive et raconte des histoires captivantes, une visite guidée est toujours basée sur la cognition. Guider un groupe peu familier avec ces référentiels est une tâche difficile. C'est ainsi que l'idée de développer une formule immersive pour les personnes en situation de handicap intellectuel, qui leur donnerait la possibilité de profiter de Train World au mieux, a progressivement émergé.
Grosso modo, on va rester dans la transmission de connaissances. Même si nos visiteurs veulent vivre une expérience, on est fort dans la parole et dans l’explication. Tandis qu’en présence de visiteurs en situation de handicap intellectuel, eux, ils ont besoin de faire.
Marie-Eve, guide-narratrice à Train World
Sur un pied d’égalité
En 2018, des échanges à propos de ce besoin ont débuté entre Train World et FARO, le centre flamand de soutien au patrimoine culturel. À cette époque, FARO lançait de nombreux projets pilotes autour du patrimoine et du bien-être. Quatre conditions étaient cruciales:
Travailler au niveau multisensoriel avec notre groupe cible est très important. Il permet de rendre très concrets des concepts très vagues pour eux...
Cleo, accompagnatrice au Centre de jour De Ark
Nous sommes donc partis à recherche de partenariats durables avec des institutions de santé motivées. Lors des échanges avec ces diverses institutions, nous laissions parler notre intuition. Nous recherchions des personnes et des organisations spontanées et enthousiasmées par notre proposition. Des ressources financières n'étaient pas attendues, mais bien la volonté d’investir du temps dans le projet et de fournir une personne de référence fixe.
Nous avons été invitées à collaborer autour d’un projet d'inclusion.
Joke, accompagnatrice au centre d’hébergement HAMA
Nous avons vite senti que nous étions sur la même longueur d'onde avec le centre de jour De Ark (NL) et le centre d’hébergement HAMA (FR), deux institutions bruxelloises. Les deux centres de soin ont jugé qu'il était important que leurs résidents s'amusent et se sentent bien. L’important étant d’abandonner le transfert de connaissances et de laisser plus de place à l'émerveillement. Nous avons donc développé un produit qui apaise leurs résidents ou, si nécessaire, qui les stimule.
Nous avons pu apporter nos idées et celles-ci ont été prises en compte.
Joke, accompagnatrice au Centre d’hébergement Hama
L'écoute mutuelle était essentielle à la réalisation de l'objectif commun. Hama et De Ark nous ont indiqué ce qui était important pour leurs résidents. L'expérience multisensorielle se devait d’être ludique et reliante ; leurs conseils sur le choix et l'élaboration des stimuli sensoriels étaient pertinents. Le choix de l'histoire (celle d'un conducteur et d'un chauffeur de train) que nous avons « traduit » de manière multisensorielle a été un réel travail d’équipe. Ensemble, nous avons réécrit le texte en un langage clair et nous avons supprimé le contenu superflu et complexe à l’aide « Wablieft » et « Facile à Lire et à Comprendre » (FALC).
Du prototype à la réalisation de notre petite locomotive à histoires
Nous souhaitions impliquer tous les sens et relier chaque stimulus potentiel de l'histoire à un objet approprié. Pour réaliser cela, nous avons utilisé notre propre collection et nous avons cherché sur le site www.2ememain.be. Ce que nous n'avons pas pu trouver, nous l’avons fait produire (comme par exemple l'odeur). Afin d'adapter au mieux l’offre au groupe cible, nous avons impliqué les résidents des centres de jour dans le choix des objets.
Nous avions à l’origine planifié un processus de prototypage permettent de tester des objets avec le public cible afin de voir si ces objets avaient un effet sur leurs sens. La crise du Coronavirus a mis un frein à nos travaux et nous a obligés à revoir notre méthode de travail. Au final, ce processus a uniquement été réalisé avec les deux accompagnatrices des centres de jour. Ce n'est que lorsque nous avons récupéré la quasi-totalité des objets, que nous avons organisé une journée test à Train World avec les résidents. Sur base de leurs réactions, nous avons été en mesure de développer davantage l’offre.
Pour finir, tous ces objets devaient être présentées dans un support amusant et pratique. Nous sommes alors tombés sur un chariot de restauration qui servait autrefois dans les trains des Wagons-Lits. En collaboration avec Amadeo Kollectif, nous avons transformé ce chariot en une mini locomotive à vapeur pratique et amusante.
Pour raconter une histoire d’un façon multisensorielle, nous avions également besoin de narrateurs capables de travailler sur mesure. Les guides de Train World ayant peu d’expérience avec ce groupe cible, il était primordial de leur offrir une formation adaptée. Les guides qui étaient intéressés ont donc eu la possibilité de suivre cette formation.
Et maintenant … assurer la durabilité
Désormais, nous sommes en mesure d’accueillir des groupes de personnes en situation de handicap intellectuel. Les mois à venir, des commentaires concernant les objets, les narrateurs, la durée de l’offre, etc. vont nous parvenir. Ces commentaires nous permettrons d’améliorer encore l’offre proposée.
Mais cela ne constitue pas un point final pour Multisenso Rail. Nous sommes convaincus que cette offre est également intéressante pour d'autres groupes cibles. Quel serait l’impact de cette offre utilisée avec des enfants dans un contexte scolaire ou de loisirs ? Ou par des primo arrivants qui parlent une langue étrangère, des aveugles, des sourds, des retraités, des personnes avec TSA, des personnes atteintes de démence, etc ?
De cette manière, Train World souhaite ainsi développer une médiation culturelle inclusive. Nous voyons Multisenso Rail comme un levier dans lequel investir.
Mesurer l’impact
Une des conditions du projet pilote était la mesure de l'impact. L'intention est de mesurer (et d'évaluer) l'impact de Multisenso Rail sur le bien-être des résidents et de leurs accompagnateurs, à court et à long terme. Ce n'est pas un exercice facile car cela demande un effort supplémentaire de la part des accompagnateurs des établissements de soins. La méthodologie que nous allons développer pour cela n'a pas encore été déterminée. Pour pouvoir mesurer correctement, nous avons besoin de beaucoup de données, et celles-ci ne sont pour le moment pas encore disponibles.
Nos partenaires
Multisenso Rail s’inscrit dans une série de projets pilotes de Faro sur les collections patrimoniales, la santé et le bien-être. Les partenaires les plus importants dans la création de Multisenso Rail sont : le Centre de soins De Ark et le Centre d’hébergement HAMA. Pour la réalisation, nous avons collaboré avec Amadeo Kollectif, Peter De Cupere, Wablieft! et Inclusion (Facile à Lire et à Comprendre).
Aujourd'hui, Train World est fermé.