Non au canal, Oui au chemin de fer
En 1821, l'Anglais Thomas Gray, un fervent partisan des chemins de fer, adresse une requête au roi des Pays-Bas Guillaume Ier. Il propose de créer pour le transport du charbon entre Charleroi et Bruxelles non pas un canal, mais une voie ferrée. Sa requête reste sans réponse.
Début 1830, l'industriel britannique John Cockerill constate que "des capitalistes estiment qu'il serait de la plus haute utilité d'établir une voie ferrée entre Anvers et Bruxelles du type de celle entre Liverpool et Manchester". Cockerill ne perdait pas de vue que le chemin de fer serait surtout un important client pour le fer qu'il produisait.
En octobre 1830, la Belgique devient indépendante. Le Gouvernement provisoire doit rapidement faire face aux problèmes économiques. Le commerce de transit entre Anvers et la Rhénanie emprunte les voies d'eau intérieures néerlandaises. Après l'indépendance, elles n'offrent plus de garanties de passage. Une liaison par le territoire belge s'impose. Un canal, par exemple, comme celui du Nord, entamé sous Napoléon, d'Anvers via Herentals, Weert, Venlo à Neuss sur le Rhin. Mais les travaux de son creusement ont été suspendus en 1811 en raison de l'opposition des ingénieurs néerlandais des Voies d'eau, guidés par leur intérêt personnel. On envisage donc comme solution alternative au canal du Nord la construction d'une voie ferrée à l'exemple de celui aménagé entre Manchester et Liverpool.
Un roi partisan du chemin de fer
L'idée d'un "chemin de fer" était lancée et devait devenir au cours des cinq années qui suivent un élément important dans l'établissement et le développement du nouveau royaume. Le roi Léopold Ier, témoin de l'avènement du chemin de fer en Angleterre, s'enthousiasme à l'idée d'un réseau national.
Le 24 août 1831, le ministre de l'Intérieur de l'époque donne pour mission à Pierre Simons et Gustave De Ridder, deux jeunes ingénieurs des Ponts et Chaussées, d'établir les plans d'une voie ferrée entre Anvers et le Rhin. Pour ce faire, ils se rendent en Angleterre, berceau des chemins de fer. De retour en Belgique, ils élaborent différentes propositions.
Les fondements du réseau ferroviaire belge
Le tracé définitif part d'Anvers, via Malines, Louvain, Tirlemont, Liège, Verviers, Aix-la-Chapelle et Düren, jusqu'à Cologne. Soit un trajet de 248 kilomètres. Un embranchement vers Bruxelles est prévu à partir de Malines qui doit assurer un supplément de trafic passagers et marchandises. Simons et De Ridder étaient de fervents partisans d'une construction du chemin de fer par l'Etat. En étudiant les cas anglais et français, ils remarquent que le système de concession ne rapporte aucun bénéfice à l'Etat, mais l'expose à devoir supporter d'éventuelles pertes.
Plan incliné entre Ans et Liège
Autre problème: entre le plateau de Hesbaye et la vallée de la Meuse, la voie ferrée doit affronter une différence de niveau de 110 mètres sur une distance d'environ cinq kilomètres, et cela alors que les locomotives de l'époque n'offrent qu'un poids d'adhésion trop réduit et une force de freinage insuffisante pour affronter une telle différence de niveaux. On imagine comme solution la construction d’un plan incliné, commandé par une machine à vapeur. Simons et De Ridder en confient la réalisation à l'ingénieur liégeois Henri Maus.
La distance entre le point le plus élevé et le point le plus bas est divisée en deux parties presqu’égales avec, entre les deux, un plan horizontal. Chaque déclivité est équipée d'une machine à vapeur fixe d’une puissance de 80 chevaux, installée sur le plan horizontal. La machine à vapeur est capable de tracter ou de faire descendre, à l'aide d'un câble, un train de douze wagons en moins de sept minutes.